L’emphysème
Le système respiratoire du cheval n’a pas encore eu le temps de s’adapter à ce nouvel environnement et à la poussière qu’il engendre. La poussière est constituée essentiellement d’un mélange de fragments de végétaux et de bactéries (dont certains, les endotoxines, sont extrêmement irritants), de fragments de moisissures et de spores (Aspergillus, Peniciullium Mucor, Alternaria..).
Les particules de poussière sont de différentes tailles. Les particules respirables sont de toutes petites particules (< 5 micromètres de diamètre) capables d’être inspirées jusqu’au fond des poumons, dans les bronchioles et les alvéoles. Dans une écurie classique, chaque millilitre d’air renferme environ 3000 particules respirables. A chaque respiration, un cheval en inspire donc…12 millions !
Ces petites particules stimulent les systèmes de défense des poumons. Chez certains chevaux, la réaction est exacerbée et provoque une production accrue de mucus, un épaississement de la muqueuse (fine couche de cellules qui recouvre l’intérieur des poumons) et une bronchoconstriction (contraction réflexe des muscles qui entourent les bronches, qui a pour conséquence de diminuer leur diamètre et donc le passage de l’air). Des signes cliniques apparaissent alors, d’abord sous la forme de baisse de performance ou d’essoufflement anormal, puis de la toux peut apparaître, souvent en début de travail. Dans les cas les plus graves et les plus chroniques, le cheval peut avoir des difficultés à respirer même au repos : c’est l’emphysème.
On distingue classiquement deux maladies : l’IAD (« inflammatory airway disease » ou maladie inflammatoire des voies respiratoires) chez les chevaux jeunes et d’âge moyen au travail ; et le RAO (« recurrent airway obstruction » ou maladie obstructive des voies respiratoires encore appelée emphysème) chez le chevaux plus âgés. Attention, la pathologie du cheval est très différente de l’emphysème pulmonaire chez l’Homme. Le terme emphysème est donc un abus de langage et on préfère désormais employer le terme RAO.
Dans de rares cas, les symptômes sont observés alors que les chevaux sont au champ, en été. On parle alors de « summer pasture associated RAO » ou obstruction pulmonaire associée aux pâturages d’été. Des spores de moisissures et des pollens semblent être les éléments déclencheurs de cette forme de la maladie.
Lors d’IAD, il n’y a pas de signe au repos. Les symptômes le plus souvent décrits sont une baisse de performance, une intolérance au travail, une toux en début de travail, un essoufflement anormal à l’effort. Lors de RAO ou emphysème, au contraire, les signes sont visibles au repos : le cheval atteint présente des difficultés pour respirer, ses naseaux sont dilatés, ses mouvements respiratoires sont accentués et il présente souvent une toux profonde et quinteuse. Un jetage nasal peut également être présent.
Pour ces deux affections, le diagnostic nécessite tout d’abord d’exclure un autre problème (infection virale ou bactérienne notamment). L’historique du problème, un examen clinique approfondi et éventuellement des analyses sanguines permettent généralement de le faire. Pour confirmer le diagnostic, il convient ensuite de réaliser un prélèvement tout au fond des poumons pour analyse : c’est le lavage bronchoalvéolaire. Il se fait sous sédation en introduisant un long tuyau souple et fin jusqu’au fond des poumons, en instillant du sérum physiologique stérile et en le réaspirant avant de l’envoyer au laboratoire.
Le traitement médical de ces maladies, IAD et RAO (emphysème), vise à diminuer l’inflammation et lever la bronchoconstriction. On utilisera donc des anti-inflammatoires stéroïdiens (corticostéroïdes) et des bronchodilatateurs, auxquels peuvent s’ajouter des fluidifiants du mucus et des produits expectorants. Ces produits peuvent être administrés par voie systémique (injectable ou orale) ou par inhalation. Cette dernière permet d’administrer le produit directement dans les voies respiratoires. Elle a l’avantage de nécessiter de petites doses de produits et de ne pas exposer l’ensemble du corps au médicament (limite les effets secondaires). Elle nécessite l’utilisation d’un nébuliseur adapté aux chevaux. D’autres produits, à base d’huiles essentielles à visée respiratoire, peuvent également être utilisés en complément ou à la suite du traitement « classique » pour potentialiser son effet et/ou prévenir la récidive.
Ces deux maladies, IAD et RAO (emphysème), étant liées à l’environnement, leur prise en charge doit impérativement inclure des mesures visant à diminuer la poussière dans l’environnement respiratoire du cheval. Dans le cas contraire, les symptômes réapparaîtront sitôt le traitement terminé. Afin de diminuer la poussière dans l’environnement respiratoire du cheval, les mesures suivantes sont recommandées : remplacer la paille par du gros copaux dépoussiéré, éliminer le foin sec et le remplacer par du foin stérilisé ou de l’enrubanné de bonne qualité, améliorer la ventilation du box et des écuries en général, sortir le stock de foin de l’écurie, stocker le foin dans un endroit propre et sec, à l’abris des intempéries, sortir le cheval au pré ou au paddock régulièrement…
Récemment, la recherche scientifique a permis de mettre en évidence que l’IAD des jeunes chevaux et le RAO/emphysème des chevaux plus âgés avaient des mécanismes similaires et se différenciaient essentiellement par leur sévérité. Il est également apparu qu’elles avaient de nombreux points communs avec l’asthme chez l’Homme. On parle donc désormais d’asthme équin, modéré dans les cas de jeunes chevaux sans signe au repos, et sévère dans le cas de vieux chevaux avec des difficultés respiratoires au repos.
Une prédisposition génétique a récemment été démontrée dans certaines lignées de chevaux pour le RAO/emphysème/asthme équin sévère. Cela signifie qu’un poulain issu de parent(s) atteints de RAO aura plus de risque de développer la maladie qu’un poulain issu de parent(s) sain(s).
DAUVILLIER Julie, Vétérinaire.