La fonction rénale

Les reins constituent le deuxième organe majeur chargé de l’élimination des déchets avec le foie. Ils sont situés dans l’abdomen, sous les lombaires du cheval et mesurent entre 14 et 18 cm de long chez un cheval de 500 kg avec une forme grossière de haricot.

Organe clé de l’élimination des déchets

Le rein est responsable de l’élimination d’une grande partie des déchets de l’organisme, qu’ils proviennent de l’alimentation ou du métabolisme (fonctionnement et renouvellement des composants de l’organisme). C’est le cas en particulier de l’urée (qui provient du métabolisme des protéines), de la créatinine (des cellules musculaires), de l’acide urique (des acides nucléiques composant l’ADN et de l’ARN), de la bilirubine (des globules rouges), et des produits de dégradation de différentes hormones. Le rein est également responsable de l’élimination de certains médicaments et toxines. Le sang arrivant aux reins est filtré et les molécules indésirables passent dans l’urine.

Régulation de la volémie

L’organisme est constitué d’environ 65% d’eau. Afin de maintenir ce volume d’eau stable dans l’organisme, l’élimination doit correspondre exactement à l’eau consommée. Le rein est responsable de cette régulation : il s’adapte pour éliminer la quantité exacte d’eau nécessaire. Pour cela, il reçoit des informations de capteurs de pression de la circulation sanguine. De manière simplifiée, quand il y a trop d’eau dans l’organisme, le volume sanguin et la pression artérielle augmentent. Les capteurs envoient alors un message aux reins pour augmenter l’élimination d’eau.

A l’inverse, lorsqu’il n’y a pas assez d’eau dans l’organisme (déshydratation), la pression sanguine diminue et des messages hormonaux sont envoyés au rein pour ralentir l’élimination d’eau dans l’urine. Des messages hormonaux sont également envoyés au cerveau pour stimuler le centre de la soif et inciter le cheval à boire. Ces messagers hormonaux sont complexes et font intervenir le foie (qui sécrète le messager sous forme inactive, l’angiotensinogène) et le rein lui-même (qui sécrète la rénine en cas de baisse de pression artérielle ; la rénine transforme l’angiotensinogène en angiotensine , sa forme active).

Equilibre électrolytique

Le rein est également responsable de l’équilibre électrolytique de l’organisme. Les électrolytes, et en particulier le sodium, le potassium et le chlore, ont un rôle majeur dans le fonctionnement de l’organisme et leur concentration dans le sang doit être contrôlée très étroitement. C’est là-encore le rôle du rein qui, grâce à un système complexe de filtration et de réabsorption, peut contrôler très précisément la quantité d’électrolytes éliminés.

Régulation de l’équilibre acido-basique

De la même manière, le rein régule étroitement l’élimination des ions hydrogène afin de maintenir l’équilibre acido-basique du corps, essentiel à son bon fonctionnement.

Fonction endocrine

Le rein est également un organe endocrine : il sécrète une hormone dont le rôle est de stimuler la synthèse de globules rouges dans la moelle osseuse, c’est l’érythropoïétine (EPO). Il est également responsable de l’activation du calcitriol, une hormone qui active l’absorption de calcium au niveau de l’intestin et la fixation du calcium dans les os.

Rôle métabolique

Enfin, le rein est capable, comme le foie, de produire du sucre à partir d’autres molécules comme les acides aminés (issus des protéines) en cas de jeûne prolongé. Le sucre est indispensable au bon fonctionnement de certains organes qui ne savent utiliser que ce substrat, comme le cerveau.

Les atteintes rénales

Lorsque le rein n’est plus capable de remplir ses fonctions (notamment d’élimination) , on parle d’insuffisance rénale (IR). Celle-ci peut être aiguë (soudaine) ou chronique (s’installe lentement).

L’IR aiguë peut être d’origine pré-rénale, rénale ou post rénale. Lors d’IR pré-rénale, il n’y a plus assez de perfusion rénale pour que celui-ci fonctionne correctement. Les causes les plus fréquentes sont la déshydratation, le choc, ou l’hémorragie. Lors d’IR d’origine rénale, c’est le rein lui-même qui est atteint et ne peut plus fonctionner correctement. Il peut s’agir d’une infection bactérienne (Leptospirose notamment) ou d’un cause toxique. Enfin lorsque l’urine ne peut plus être éliminée à cause d’une obstruction après le rein (au niveau des uretères, de la vessie ou de l’urètre), l’IR est dite post-rénale. Il arrive chez les poulains que la vessie se déchire et que l’urine se déverse dans l’abdomen.

L’insuffisance rénale chronique correspond à une perte irréversible des  différentes fonctions des reins. Elle s’installe progressivement et fait le plus souvent suite à insuffisance rénale aiguë non contrôlée.

Les risques de la déshydratation

Le rein est probablement l’organe le plus sensible à la déshydratation. Il a en effet besoin de beaucoup d’eau pour éliminer les déchets de l’organisme. De plus, en raison de ses nombreuses fonctions, il a des besoins élevés en nutriments et en oxygène. Lors de déshydratation, le rein est moins perfusé, c’est à dire qu’il reçoit moins de sang, donc moins d’eau pour éliminer les déchets, moins de nutriments et moins d’oxygène pour son fonctionnement. Les néphrons, les cellules spécialisées responsables de la filtration, peuvent alors mourir et ne seront pas remplacées.

Il est donc primordial, lors de déshydratation suite à un effort intense ou à une maladie autre, de réhydrater rapidement le cheval, soit en le stimulant à boire (pas toujours facile !) soit en lui apportant des fluides par perfusion intraveineuse.

Les molécules néphrotoxiques

Certaines molécules sont toxiques pour les cellules rénales, et cette toxicité est d’autant plus sévère que le cheval est déshydraté. C’est le cas notamment des anti-inflammatoires non stéroïdiens et de certains antibiotiques.  Il convient donc, avant de les administrer, de vérifier l’état d’hydratation du cheval et, s’il n’est pas satisfaisant, de le corriger.

Lors de myosite (coup de sang), un grand nombre de cellules musculaires sont détruites et la myoglobine qu’elles contiennent est libérée dans la circulation sanguine. Elle est ensuite filtrée par les reins et éliminée dans l’urine, ce qui lui donne sa coloration brune. Or la myoglobine est une très grosse molécule qui peut endommager les reins lors de son passage, notamment si ceux-ci ne disposent pas de suffisamment d’eau pour l’éliminer. Il est donc primordial lors de myosite sévère de réhydrater le cheval, surtout si on veut lui administrer des anti-inflammatoires.

L’hémoglobine est le composant majeur des globules rouges, c’est ce qui leur donne leur couleur et qui leur permet de transporter l’oxygène. C’est également une très grosse molécule. Lors de piroplasmose aiguë, la destruction de très nombreux globules rouges entraine la libération de grandes quantités d’hémoglobine dans le sang, qui devra être éliminée par les reins. Là-encore, cela peut endommager les reins, surtout si le cheval est déshydraté.

Enfin les glands, s’ils sont consommés en grande quantité peuvent être toxiques pour les reins.

Comment diagnostiquer une atteinte rénale

Lors d’IR aiguë, les signes cliniques sont souvent peu spécifiques et reflètent le problème à l’origine de l’IR (coliques, choc..). Il peut arriver que le cheval urine peu ou pas .

Lors d’IR chronique, le cheval présente souvent une baisse d’appétit, un amaigrissement, de l’abattement et un mauvais état général. Il peut également uriner et boire plus que la normale : on parle de polyuro-polydypsie.

Il est possible de doser dans le sang des marqueurs de la fonction rénale. La créatinine et l’urée sont normalement toutes deux éliminées par le rein. Si le rein de fonctionne pas bien, leur concentration dans le sang augmente. Il est également possible de doser les électrolytes (sodium, potassium et chlore notamment) dont les concentrations vont sortir des valeurs normales (augmenter ou diminuer) en cas d’IR. Une analyse d’urine permet de détecter une éventuelle infection bactérienne ou des traces de dommages aux reins. Elle permet également de mesurer la densité urinaire. Lors d’IR, le reins n’est plus capable de «concentrer » les déchets dans l’urine est celle-ci est donc plus « diluée ».

Comment traiter les atteintes rénales

Lors d’IR aiguë, il faut agir rapidement pour éviter ou limiter la destruction des cellules rénales qui ne se renouvellent pas : rétablir la perfusion rénale en réhydratant le cheval au plus vite, arrêter l’administration de toute substance néphrotoxique, mettre en place un traitement antibiotique basé sur les résultats d’analyse si besoin, lever l’obstruction qui empêche l’urine de s’écouler.

Lors d’IR chronique, le pronostic est souvent réservé. Outre le traitement de la cause primaire, il peut être utile de compenser la diminution de fonction rénale par supplémentation en électrolytes et nourrir avec des protéines de qualité afin de limiter le travail du rein.

Julie Dauvillier